Retrouvez l'intégralité de l'interview de Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'État au numérique, réalisée pour Bercy numérique

Publié le 19 09 2022 | Mis à jour le 19 04 2024

Le Secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi a reçu l’équipe de Bercy numérique pour une interview exclusive. Découvrez ou redécouvrez l'intégralité des séquences.

Présentez-nous votre mission gouvernementale pour le numérique ?

Notre mission, on a essayé de la résumer simplement, c’est comment on fait de la France un champion du numérique dans le Monde, au service des humains. Et quand on dit un champion du numérique, c’est des champions du privé, des entreprises championnes, des grandes entreprises, mais aussi des start-up qui innovent, mais aussi un champion du public, avec un État qui innove, un État qui transforme, un État qui grâce au numérique rend plus de services aux citoyens, est plus utile au quotidien aux citoyens, mais c’est aussi un numérique au service des humains, c’est comment on s’occupe de ces 20% de Français, quasiment 13 millions d’entre eux qui n’ont pas accès au numérique, comment on s’assure de la couverture numérique du territoire, comment on forme ceux qui ne savent pas utiliser.

Et puis, c’est l’ordre public numérique, comment on protège les humains, comment on protège les citoyens, comment on régule cet espace, où il peut y avoir de nouvelles violences, mais aussi de nouvelles opportunités et comment, dans cet espace mondial, avec les plateformes, comment on arrive à trouver un « vivre ensemble économique », qui font qu’à la fin, eh bien, nos entreprises, nos citoyens et tous ces acteurs internationaux arrivent en France à faire du numérique une chance pour tous.

Quelle organisation pour mener la transformation de l’État ?

Pour mener cette transformation numérique de l’État, on a voulu avoir tous les outils et toute l’organisation humaine disponible pour le réaliser pleinement.

On a voulu avoir d’un côté une DITP (NDLR : direction interministérielle de la transformation publique), spécialiste des transformations organisationnelles, capable de transformer, de simplifier la façon dont on délivre le service public au quotidien pour les citoyens, mais aussi capable de penser l’organisation de l’État.

Puis, on a voulu avoir une DINSIC (NDLR : direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'Etat) experte, experte des réseaux, experte des infrastructures et aussi experte des usages numériques.

 On a ainsi un organe expert, avec des personnes qui sont en train de bâtir la plateforme numérique de l’État, c’est-à-dire toutes ces briques qui vont faire que les services publics de demain seront toujours plus accessibles, plus simples d’accès en ligne et puis une DITP, avec ses experts de l’organisation et de la stratégie et de la transformation, qui vont accompagner les hommes, accompagner les agents, pour penser et faire l’architecture de cette transformation publique.

Les enjeux en matière de cybersécurité pour la France et pour l’Europe ?

La condition du succès numérique, du privé, du public, c’est la confiance et la clé de cette confiance, c’est la sécurité numérique.

C’est pour cela que l’enjeu de la cybersécurité, il est majeur. Il est majeur pour la France, il est majeur pour l’administration, il est majeur pour les entreprises et l’Europe est un échelon essentiel de cette stratégie globale, pour sécuriser les services numériques, pour sécuriser l’espace numérique.

La France a toujours été en pointe sur le sujet, mais une France forte sur la sécurité numérique avec tous ses collègues et camarades de l’Union européenne qui ne seraient pas au niveau, eh bien c’est une France faible.

La seule façon d’être forts dans l’espace numérique européen, c’est que tout le monde soit au meilleur niveau et les négociations des derniers mois entre les pays de l’Union européenne ont consisté à augmenter le niveau global de sécurité de l’Union, en partageant les informations, en partageant des manières de certifier les outils numériques sécurisés qui peuvent apporter plus de sécurité aux entreprises et plus aux États, mais aussi en partageant la capacité de réponse en cas d’attaque.

Et donc aujourd’hui, toute notre volonté pour protéger ces données personnelles que l’État détient vis-à-vis des citoyens, mais que les entreprises elles-mêmes détiennent sur les citoyens, c’est à la fois de jouer sur l’industrie de la cybersécurité, s’assurer qu’on a bien des opérateurs de petite taille partout sur le territoire qui peuvent travailler avec nos PME sur tout le territoire, mais aussi des grands opérateurs internationaux basés en France, capables d’accompagner nos très grandes entreprises et au sein de l’État, avoir les meilleurs experts, à la fois militaires, mais aussi civils, qui accompagnent la sécurisation de tous nos dispositifs.

C’est un enjeu essentiel de la confiance et c’est pour cela qu’en même temps que l’accessibilité pour les publics les plus éloignés, la sécurité est un pilier de la transformation numérique.

Quelle est la place des start-up françaises au niveau mondial ?

Cette année, au CES (NDLR : Consumer Electronics Show, salon consacré à l'innovation technologique en électronique grand public) de Las Vegas, il y avait près de 300 entreprises françaises présentes, plusieurs milliers de français présents, en exposants ou en visiteurs. Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’aujourd’hui, en France, on a une véritable capacité à offrir au Monde des innovations, des nouvelles technologies.

Ce qui était le plus intéressant pour moi, en visitant les différents stands, c’est de leur poser la question : « Comment les acheteurs internationaux qui viennent vous voir voient votre produit ? » et on voit que sur des nouveaux secteurs comme la santé connectée, comme le transport, l’énergie, l’intelligence artificielle et la cybersécurité, il se trouve que les offres de nos start-up sont très attendues dans le Monde.

Il se trouve que nous avons une avance particulière sur ces sujets. Eh bien, il sera très important pour nous d’accompagner ces start-up, de tout faire pour qu’elles vendent à l’international, de tout faire pour qu’elles deviennent des références dans leur sujet et sur ces objets connectés et les objets connectés de santé, sur tous ces nouveaux univers qui se développent, eh bien il y a une attente du Monde sur une offre française, une offre responsable, une offre à la fois très prometteuse au niveau technologique, mais surtout prometteuse en terme de valeurs.

Il se trouve qu’aujourd’hui en France, on défend des principes sur la protection des données personnelles, sur la sécurisation des objets, qui font que nos offres ne sont pas pareilles que celles issues du continent asiatique, du continent américain, on a une différenciation et cette différenciation,  elle est à la fois dans la performance et dans les valeurs humaines qu’on a mis dans ces innovations.

En quoi l’intelligence artificielle va-t-elle accélérer la transformation numérique ?

L’intelligence artificielle, c’est un mouvement qui va transformer, accélérer la transformation numérique et les usages numériques dans tous les secteurs : l’État, dans l’administration, dans les industries, dans les PME.

La révolution qu’on va connaître dans les prochaines années, elle est au moins aussi importante que tout ce qu’on a connu sur les trente dernières années en informatique.

Ce qui va se passer, c’est qu’on va avoir des usages qu’on n’imaginait pas encore, qu’on va pouvoir faire plus de choses, qu’on va pouvoir faire plus de choses pour la santé des français, qu’on va pouvoir faire plus de choses pour la sécurité des français, qu’on va pouvoir faire plus de choses pour le quotidien, pour le transport, pour l’énergie et tout cela, ce sera rendu plus possible grâce à l’intelligence artificielle.

Mais cette intelligence artificielle elle posera des nouvelles questions, elle posera des questions d’éthique, elle posera des questions de domaines dans lesquels on ne souhaite pas qu’elle intervienne, sur le domaine militaire par exemple, beaucoup ont débattu, des robots tueurs autonomes, dans les domaines de l’exploitation des données personnelles, de savoir jusqu’où on pouvait utiliser les données issues de la santé, tout ça, ce seront des débats nationaux qui devront être lancés. La loi de bioéthique va lancer certains débats dans les prochaines semaines, le rapport Villani va souligner quelles sont les lignes rouges qu’il ne faudrait pas franchir et celles sur lesquelles il faudrait s’engager. Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que l’intelligence artificielle, c’est avant tout une opportunité majeure pour nos PME, pour nos entreprises et pour nos administrations d’apporter encore plus de services aux citoyens et aux consommateurs.

France Connect, un service en ligne pour tous les citoyens

France Connect, c’est la façon la plus simple de se connecter aux services publics en ligne. Aujourd’hui, nos études, nos expériences avec les citoyens utilisateurs montrent qu’une des premières barrières à l’entrée dans les services publics, c’est de ne pas se souvenir de son login, de son mot de passe, de ne plus savoir où est-ce qu’on les a rangés, comment on se connecte.

France Connect, c’est un service universel, à disposition de toutes les administrations et une des collectivités territoriales pour offrir une identification simplifiée à tous les citoyens qui désirent se connecter.

Ce dispositif a été lancé depuis bientôt trois ans et au fur et à mesure des années, de plus en plus d’administrations l’ont mis en place. A chaque fois qu’une administration le met en place, elle voit augmenter le nombre d’utilisateurs qui visitent leur site et qui décident de se connecter à leur espace en ligne.

Donc, France Connect, c’est simplifier la vie des citoyens, c’est moderniser l’accès aux services publics en ligne et c’est les rendre plus performants.

Les métiers de l’agent public vont-ils se transformer avec le numérique ?

Le numérique transforme notre société, il transforme les entreprises et il transforme aussi l’État et il transforme la façon que l’on a de délivrer le service public aux citoyens, il transforme la façon que l’on a de s’organiser entre nous.

Donc oui, les métiers de l’agent vont se transformer, mais est-ce que quand on dit 100% des démarches numérisées, ça veut dire que tout va se passer en ligne ? Eh bien non, parce qu’il y a de très nombreux citoyens qui auront toujours besoin de cet accueil du public, de très nombreux citoyens auront besoin que leur situation, plus complexe que d’autres, soit traitée par un agent capable de lui expliquer le contexte, de l’orienter, et puis parfois les règles ne sont pas parfaites, les situations sont parfois uniques et là il faut un agent responsabilisé, capable de traiter la situation de la personne pour l’accompagner jusqu’au bout. Eh bien, cela, ça va être tout l’enjeu de la transformation du métier de l’agent public des prochaines années. C’est pour cela que dans le PIC, le plan d’investissement pour les compétences qui a été annoncé par le Gouvernement, il y aura un grand volet sur la formation des agents publics, dans lequel le numérique va jouer un rôle essentiel. Tous les agents ne vont pas devenir des experts du numérique, mais par contre ils seront les accompagnateurs de cette transformation numérique pour les citoyens qui en sont trop éloignés, mais aussi, dans la nouvelle organisation des administrations qui verront le numérique simplifier certaines tâches, en créer d’autres, parce qu’il faudra contrôler, il faudra auditer, il faudra surveiller ce que fait ce numérique et c’est bien l’agent public qui à la fin est ce garant du service public rendu aux citoyens.

Un message pour les agents des Ministères économiques et financiers désireux de s’ouvrir au monde numérique ?

Bercy a toujours été un Ministère d’avance sur les usages numériques et doit continuer à l’être et pour continuer à l’être, il faut que tous ses agents continuent de s’informer, de s’ouvrir à ce monde numérique et donc avec Bercy numérique, je suis certain que vous y trouverez toutes les ressources pour y arriver.